Auteur : Danielle Chevalier

45 – Serwan Baran. IRAK. Biennale 2019.

  Pavilon de l’Irak. Serwan  Baran

Lors des biennales précédentes l’Irak avait droit à un étage spacieux de palais. Cette année c’est un tout petit espace aveugle en rez de chaussée et au fond d’un couloir. Allégorie de la descente aux enfers du pays ?

Et malgré ou grâce à cela c’est sûrement un des pavillons les plus intéressants car la force plastique des deux créations apparait immédiatement, tant elle est à l’étroit . Une fois franchi le petit couloir tortueux peint en vert militaire, on tombe sur une sculpture au sol: grandeur nature, un soldat en état de décomposition avancée git dans une barque. Terre crue séchée, modelée à grandes touches. L’ensemble est saisissant, puissant, la sobriété jouant à plein.
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Derrière dans un espace de taille analogue, un mur peint.Verts, jaunes, noirs gris dans toutes les valeurs colorées du camouflage militaire, on distingue un enchevêtrement de formes que l’on ne lit pas immédiatement comme des corps disloqués et recroquevillés sur eux-mêmes: des militaires morts  surpris alors qu’ils étaient sans doute en train de manger; des assiettes en carton remplies d’éléments indéfinissables et des morceaux de tissus militaires réels sont collés et s’intègrent à l’ensemble pictural en lui donnant paradoxalement vie.

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Serwan Baran, irako-kurde né à Bagdad en 1968 a suivi une formation artistique. Enrôlé lors des conflits de 1980 et 1990 en tant que soldat mais aussi artiste de guerre, il avait pour mission d’ illustrer et rendre compte des victoires de l’armée irakienne pour la propagande du gouvernement.

Il a baptisé cette double création « Fatherland » tant il est vrai, explique-t-il,  que la « mère » n’a servi qu’à donner le jour à de futurs soldats, le pays n’ayant guère vécu autre chose que des régimes militaires, la guerre et la mort.

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44 – Jannis Kounellis. Biennale 2019.

La fondation Prada présente dans ses beaux et vastes espaces le travail de Jannis Kounellis installé par Germano Celant, défenseur avisé de l’Arte Povera. La beauté du lieu et la qualité du commissariat en font un moment exceptionnel.


Kounellis avait coutume de dire qu’il était avant tout peintre (et non sculpteur ou installateur ). Profession de foi qu’il synthétise plastiquement dans l’émouvante petite création ci-dessous. Des pierres, du feu, une trace de suie…. et tout au bout… « la Peinture » ….  Toute l’histoire de la création artistique est là.

« Être peintre », c’est généralement poser diverses matières sur un support plan.

Les très importantes surfaces horizontales et verticales de la fondation offrent des plans parfaits pour ressentir immédiatement la démarche de l’artiste.
Il fait jouer couleurs et matériaux avec la même rigueur qu’un Abstrait Géométrique, mais lui serait plutôt dans le concret à forte valeur symbolique, confrontant Nature et Culture, ses « couleurs, empâtements, réserves… » étant choisis dans le monde du travail et de l’industrie : plaques métalliques, poutrelles, pierres , bois, charbon, laine cardée, feu et suie … etc

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4 tableaux sur plan vertical : « Fer/fleurs »- « Fer/laine » – « Fer/bois » – « Fer/pierres »;  oeuvres de 1987Un sur plan horizontal : « Fer/charbon »

L’oeuvre ci-dessous présente dans un immense rectangle au sol , un étalage digne des Puces : pardessus, chaussures , chapeaux… Ces vêtements visiblement des années 40 , ont plus ou moins servi vu l’état de conservation variable de chacun. Aussi, nous renvoient-ils à ceux qui les ont portés … et bien sûr au fait qu’ils ne sont plus.

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De plus près, les styles varient, bonne ou moins bonne qualité, étiquettes lisibles, doublures soyeuses , déchirures, état d’usure, chaussures éculées … et nous saisissons mieux l’intention :  le tout est organisé de façon à isoler mentalement chaque groupe de trois éléments, pour accéder peut-être ainsi à une interprétation: la personnalité du propriétaire, et, au delà, sa fonction dans cette période qui sur le plan de l’histoire n’est pas anodine…


 

43 – Alain Guy Clément au « 401 »

« Voyage dans l’intranquillité »

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Dès l’entrée, on comprend que  le voyage que nous propose Alain Guy Clément sera effectivement  difficile et qu’il faudra abandonner le repos des images complaisantes et des « non-sujets »  convenus.

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La filiation du  tableau sectorisé « Arbre-Nature » de 2008 (cf ci-dessus) avec les grandes compositions religieuses tripartites, issues de notre culture occidentale,  est évidente et nous éclaire d’entrée : nous sommes dans un espace métaphysique  où naissance, vie, mort / paradis, monde terrestre,enfer, vont venir buter sur le questionnement personnel de l’artiste.
Chez Clément, c’est d’un voyage intérieur qu’il s’agit , celui de l’Homme au sein d’un monde terrifiant et imprévisible, d’océans agités, de  ciels d’orage, d’espaces herbeux instables, de grèves remplies de déchets et d’anges en déchéance. L’humain,  solitaire, ballotté par les vagues dans de frêles embarcations, cherche sa route à la croisée de «  chemins qui ne mènent nulle part ».
Le monde  de Clément part à la dérive.

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Cependant, près des arbres majestueux qui emplissent l’espace mouvant alentour, comme pour le stabiliser, des animaux familiers, « veilleurs »  doués d’une intelligence ou d’un sens qui fait défaut à l’homme, observent et réfléchissent. Calmement plantés sur le sol ou échappant à notre pesanteur, chiens, rats, oies ou vaches, cochons, oiseaux… sont là en contrepoids, pour nous ramener sur la rive.

Toute la force des  tableaux de Clément tient dans la technique magistrale, les transparences et recouvrements, la science des rapports de touches et de couleurs: chaque création est une sorte d’ organisme vivant, débarrassé de la bienséante enveloppe, palpitant et se tordant devant nos yeux.
C’est une peinture qu’il faut vivre, affronter en direct..

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evant les toiles de Clément, on pense bien sûr aux premiers Expressionnistes du XX°siècle, et dans son cas , surtout à Munch, Nolde, Ensor ou Kirchner… mais, chez lui, pas de portée politique ou sociale, pas de narration d’un fait ou d’un instant.

On est en Italie du Nord, dans les années 70, les Minimalistes et les Conceptuels ont fait leur temps. Deux mouvements importants occupent  la scène avec un retour  à la Figuration, aux sources mythologiques, et à la peinture métaphysique : la TransAvantGarde et la Figuration Expressive dont Alain Guy Clément est un des membres reconnus.
Aujourd’hui, dans son atelier montalbanais, il perpétue cette tradition picturale essentielle et précieuse, loin du clinquant et de la futilité de  trop de créations contemporaines.

Le jour de l’ouverture , les oeuvres picturales de Clément ont été mises en relation avec des extraits d’oeuvres musicales  et   littéraires :

Jean Cazal a lu des textes de Clément, Dino Buzzatti et Jules Renard, choisis par l’artiste et accompagnés par le violoncelle de Camille Delbreil qui a terminé la soirée en nous offrant un récital Bach, Britten, Cassado.

Caractéristiques des tableaux  présentées dans ce blog :
-« Après le naufrage« .1984 (100/80cm). « La découverte du Monde ». 1988 (150/115 cm)
-« Homme-Nature » blanc – 2008 (150/115cm)
« Homme-Nature » 2 verts- 2008 ( 150/115 cm)
– Série« Réflexion »- 2009 à 2015
Oie : 100/80. Vache :100/88. Chien: 100/80
–  » Autoportrait » . 1997; 54/65 cm

 

 

42 – Dominique GAUDU au 401

La galerie « le  401  » a choisi pour son inauguration, en mai 2017, d’exposer  l’artiste Dominique Gaudu.
« Ici, si loin » titre de l’exposition , proposait :
– dans la Galerie : 8 compositions au format 90/126 cm et une suite ( « Jardins ») de 5 formats carrés de 76/76 cm
– dans l’Atelier : 6 sculptures et 5 dessins à la mine de plomb.

 

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Les titres des oeuvres nous renseignent déjà sur la personnalité et les intentions de l’artiste et nous aident à entrer dans son univers : « Mi soie, mi parfum » – « Tisseur de nid, jongleur de paille » – « Sous l’herbe se perd la fourmi » – « Fond d’ombre » – « Nous n’irons plus au bal » (photo ci-dessus)« J’ai jeté du sel sur la neige » – « Minutieusement l’hiver… » – « Le vent l’emportera » – « Longtemps ce fut l’été » – « Où l’orpailleur s’arrête »

 « Regarder les tableaux de Dominique Gaudu,  c’est gagner un espace clair balayé par des sillages de lumière poudrée. Voir alors allège et ouvre sur un cosmos lointain et radieux que hantent encore les traces d’une nature aléatoire : fragments de bois, mémoire de lichen, rougeoiement d’un matin dans l’hiver, peut-être. Dans cet éther lumineux la matière pulvérisée s’harmonise en trajectoires discrètes qui soutiennent la solitude produite par cette soudaine ascension de notre point de vue sur les choses. Régénérés par cette avancée jusqu’aux bords fragiles du monde, nous sommes pleins de gratitude pour ces oeuvres qui l’ont permise ».   Agnès Girardeau


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Attiré par l’exubérance et la générosité des formes et des  couleurs, l’oeil est retenu par la vibration des pigments.  Les oeuvres sont belles…  mais cette beauté-là est tout sauf  superficielle . Elle est riche d’une connaissance pointue du fait artistique. Ces créations  qui semblent pourtant si  spontanées et émotionnelles sont portées par une technique parfaitement maîtrisée ;  Elles sont dans le même temps fantaisie et rigueur, légèreté et profondeur.

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Les sculptures sont inspirées par « Les villes invisibles » d’Italo Calvino.

Dominique Gaudu a plusieurs fois collaboré avec  Pierre Nouilhan , créateur des Editions « Sables » . Des petits livres rares, illustrés par l’artiste, ont été  exposés au 401 et l’éditeur Pierre Nouilhan a présenté son travail, ses choix et sa collaboration avec les artistes illustrateurs

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 Dominique Gaudu, née en 1938, est titulaire du Diplôme de Peinture ( Beaux Arts)  et Professeur Agrégé d’Arts Plastiques.
« Ces formations antinomiques, très diversifiées, m’ont permis d’aborder des recherches éclectiques en phases avec des situations, des lieux, des pays divers … Le dessin- primordial pour moi -, peintures, sculptures, costumes de théâtre, bijoux ….. J’aime travailler au gré  d’un chemin artistique  buissonnier, sans but de reconnaissance artistique; mais non sans plaisir. DG.

Les flûtistes Jean Marc Andrieu , directeur du Conservatoire de Montauban et de l’orchestre baroque « les Passions » et sa femme Fabienne Azema-Andrieu nous ont fait l’honneur  d’accompagner le vernissage en interprétant des pièces de Telemann.


 

41 – Biennale . Venise 2017

Le temps ayant décanté le flot des sons et des images, restent des petits coups de coeur, moments de plaisir plus ou moins durables… et des créations qui marqueront, qui ont ému et parlé dans le même temps, sans nécessaire lecture de texte explicatif, et sur lesquelles on aura envie de revenir pour creuser, réfléchir… et que l’on aimerait faire partager dans les pages suivantes.

Dans la première catégorie :

1 Au Palais Fortuny, dans l’exposition intitulée Intuition un tout petit moment très fort : le rapprochement d’une statue de la Renaissance ( Anne apprenant à lire les Ecritures à sa fille Marie ) et d’une sculpture d’Anish Kapoor mettant en scène par un vide circulaire blanc/blanc la notion de limite et dans ce cas d’illimité.

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2. Le Pavillon d’Israel. Artiste : Gal Weinstein
( né en 1970  en Israel )

Une demeure désertée où les moisissures montent peu à peu à l’assaut des murs, et,  à l’étage,  ce qui pourrait être un engin de guerre noyé dans un nuage de mousse… évoquant ceux que journaux et autres médias nous ont appris à reconnaître : explosions et bombardements. Mais aussi la beauté du dépouillement et l’odeur de marc de café, matériau utilisé sur les murs.

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3. Le Pavillon de Singapour. Zai Kuning
(né à Singapour en 1964 )

Un très beau symbole de l’histoire du pays et de son riche passé maritime et culturel : une immense carcasse de nef en osier tressé, arrêtée dans sa course et dont les cordages sont retenus au sol par le poids de livres protégés par une gangue de paraffine.

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4. Dans le Pavillon International : Cyprian Mureçan
( né en Roumanie en 1977 ) : de très beaux dessins où par un recouvrement compulsif et réjouissant de tracés très habiles CM questionne les tableaux de maîtres, dans un désir double, semble-t-il : hommage et appropriation critique.

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5. Stephen Chambers. Grande Bretagne.
The court of Redonda au Musée Ca’Dandolo.

Une île imaginaire dans les Caraïbes, une population tout aussi imaginaire mais surtout une peinture figurative très élégante et personnelle.

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Dans la 2° catégorie :

37 : Dirck Braeckmann
38 : Nadine Hattom et Sakar Sleman
39 : Wong Cheng Pou
40 Geta Bratescu
41 : Shirin Neshat
42 : Zad Moultaka