Auteur : Danielle Chevalier

35 – Zad Moultaka. Venise 17.

« Shamash, soleil noir soleil » . Pavillon du Liban

Zad Moultaka  a réalisé  « Shamash soleil noir » pour la Biennale de Venise 2017;  Shamash,  chez les premiers babyloniens était le dieu du soleil et de la Justice. Il était de ce fait le plus adoré à Ur.

Les visiteurs sont conduits dans le noir jusqu’à des bancs . On voit très peu l’espace mais on le devine très grand et très haut.
Des voix se mettent à psalmodier, peu, un peu plus, arrêts, reprises, très beau chant polyphonique, prières…
De faibles rais lumineux verticaux apparaissent formant sur les côtés une double haie qui s’étire vers le lointain comme si deux rangées de prêtres se parlaient, se répondaient… Les chants s’arrêtent, les voix chuchotent, parlent, reprennent…

A

Des ombres se dessinent.On devine peu à peu une bizarre géographie sur le mur, dorée, et comme un plan de ville. Peut-être celui d’Ur, vu de la ziggourat.

B

Une ombre nouvelle, de forme oblongue, monte en intensité devant ce mur lumineux, de plus en plus nettement,  une sorte de statue du dieu Shamash sans doute puisque c’est le titre de l’oeuvre… Les voix s’enflent, emplissent l’espace et subitement  un coup de tonnerre , énorme… et le silence.

C

L’espace s’est éclairé crûment : la pseudo statue est un engin militaire métallique rempli de boulons et de tuyaux ( un moteur de bombardier dira le dépliant) se détachant sur un mur constellé de pièces de monnaie.

D

Puis tout redevient noir peu à peu. Alors une voix d’enfant s’élève et récite « Les Lamentations sur les ruines d’Ur » ( dira aussi le dépliant).

E

Soleil …Noir en effet : le dieu était celui de l’argent, de la guerre et de la mort.

F

Zad Moultaka, Libanais, né en 1967, est compositeur et plasticien.
Chassé par la guerre, il s’installe à Paris où il travaille notamment avec l’IRCAM. Il participe aux plus grandes manifestations …Beyrouth… Dubaï …Venise. Pour  la France ,  en 2017… Institut du Monde Arabe et Nuit Blanche à Paris.
Depuis 2011, il jette des ponts constants entre les cultures Orientale et Occidentale et entre les genres Musique et Arts Plastiques.Il est aujourd’hui avant tout sollicité pour ses Installations sonores et visuelles.

34 – De beaux échanges

 

Février 2017

Lors d’un voyage-repérages pour une future exposition à Calatayud , je profite du temps libre pour visiter le  musée municipal qui présente des restes de son riche passé : celui de l’ancienne Bilbilis  romaine.
A l’étage,  une exposition temporaire très étonnante et réussie.  Intitulée « Monde parallèles 3 », elle témoigne d’une démarche généralement peu valorisée et – encore moins- présentée dans ce type de lieu : le travail plastique des pensionnaires « minusvalidos » du centre  Amibil .


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C’est un parcours passionnant, à échelle humaine, affectif et  poétique des monuments remarquables de la ville ou de certains de ses éléments architecturaux.  De beaux partis pris  et trouvailles et une grande maitrise des techniques  même si  l’investissement du personnel d’encadrement est évident.

 

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Mars 2017

Déroulement de mon exposition « Cuidar » à l’Aula San  Benito . Elle se compose de trois espaces liés  consacrés à la naissance et à la mort, à la douceur et à la violence, à la beauté et au chaos,  par le biais , entre autres, de nids et d’oeufs de la série des Tyranoptères. cf. mon site :
https://danielle-chevalier.fr/tyranopteres/

Avril 2017

Retour à Calatayud pour le décrochage de  mon exposition. Un petit cadeau « précieux » m’attend : une boîte d’oeufs au contenu émouvant : des « oeufs » découpés dans du carton . Sur chacun des remarques, des signatures, des remerciements, des dessins réalisés par les résidents  d’ Amibil et qui témoignent  de leur passage, de leur regard, de leur   émotion, de leur inspiration.


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Sans le savoir de part et d’autre, chacun a  offert son travail à l’autre.
Leurs goûts vont surtout vers mes « nids-oeufs » et les ruines de Belchite.

Alors je choisis celui de mes nids que j’ai toujours préféré et le leur fais parvenir avec une lettre  évoquant ma visite en février à leur exposition « Mondes Parallèles »

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Mai 2017

Quelque temps plus tard je reçois en remerciements, et jointe à la lettre du directeur, une des créations de leur exposition . Elle est de José Antonio Morte Norvíon.

 

 

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33 – Le  musée  de la psychiatrie du docteur Guislain. Art et Psychiatrie

Situé à la périphérie de Gand, il occupe une partie des bâtiments de l’hôpital psychiatrique éponyme, le plus ancien asile d’aliénés de Belgique, datant de1857 .(Jozef Guislainstraat 43. B 9000 Gent).  Il se compose de trois secteurs également passionnants :
– un musée de l’histoire de la psychiatrie
– une collection internationale d’art outsider
– un département dédié à des expositions temporaires


34a – Le musée de l’histoire de la psychiatrie…

… est une traversée de l’histoire des interventions et soins apportés aux malades mentaux, de la trépanation et de l’exorcisme jusqu’à l’époque moderne aux pratiques plus « humaines »

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Son intérêt est double
– Le visiteur parcourt les lieux mêmes, reconstitués minutieusement et dans une traversée évolutive des chambres, espaces de vie et salles de soins.
– Le contenu des pièces, présenté sans tabous, est très documenté : machines pour électrochocs, mobilier de bains, matériel médical de contention, protections, lavements, injections,  photos d’époque, textes et évolution de l’ imagerie médicale.

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On nous présente même la machine à découper le cerveau créée par le professeur De Wulf.

 

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34b – Collection internationale d’Art Outsider.

La collection, commencée avec les productions des seuls patients de l’hôpital Guislain, a, depuis 2002, acquis une importance internationale en accueillant la collection De Stadshof qui va de l’art naïf à l’art brut et contient plus de 6000 œuvres produites par près de 400 artistes.

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Saï Kijima – 2009 – Collection De Stadshof

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Johnson Weree, réfugié liberien. Vit et travaille aux Pays-Bas . Crayons de couleur et stylo gel-feutres. 1970.

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Hans Scholze. Java Indonésie.1933 Pays-Bas.1993. Architecte d’intérieur; créations spontanées de type écriture automatique.

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Jeroen Pomp. Pays-Bas. 1985. Autiste. Dessine en perspective cavalière et avec crayons de couleur animaux, végétaux, paysages urbains et autoroutiers mêlés.

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Théa Gérard. Jakarta -La Haye , femme d’artiste peintre connu. Mélancolique et recherchant la solitude. Peint surtout des portraits et réalise des marionnettes en bois.

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Hans Langner. Karlsruhe. 1964. Formation théâtrale. Dépressif. Récupère des objets de rebut pour les transformer en personnages généralement de type « oiseaux ». Lui se qualifie de « Birdman ». Cet ensemble se compose de 2000 objets.


34c – Département  des expositions temporaires

« Chambres obscures » – exposition temporaire de 2015 –  nous montre à l’aide d’un nombre très important et varié de créations, la fascination exercée sur les artistes par la mélancolie et la dépression, et comment chacun s’empare  du sujet en fonction de son implication personnelle ( du spleen passager et diffus jusqu’à la morbidité ).
Outre l’intérêt des oeuvres , il faut saluer les organisateurs pour deux soucis rares :
– les productions contemporaines -majoritaires- voisinent avec des créations d’époques antérieures quand celles-ci éclairent le propos.
– et une scénographie habile crée des rapprochements,  joue  sur les  vides et autres astuces d’accrochage pour provoquer réflexion,  prise de conscience de la multiplicité des points de vue face aux comportements humains, donc prise de conscience de l’AUTRE

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Artiste inconnu. Dessin plume et encre sépia

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Thierry de Cordier. Seaberg. 2011. Huile sur toile
Tinus Vermersch. sans titre, 2013, tempera sur papier.

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Jean Marc Bustamante. “Lumière 19.93”. Photo sur verre éloigné de 5 cm du support.

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Patrick Van Caeckenberg 2010, Extrait de la magnifique série de dessins de vieux arbres. Plume. Encre de chine.


 

32 – Les Jardins d’Érasme

Le jardin des Maladies.

En 1521, Érasme passe cinq mois à Anderlecht, près de Bruxelles, chez son ami le chanoine Pierre Wichmans.
Aujourd’hui le bâtiment baptisé « maison d’Erasme » est transformé en musée. Livres anciens et objets d’art nous transportent dans le monde intellectuel de la Réforme.

Mais l’intérêt du lieu réside essentiellement dans l’aménagement de deux jardins contigus nous renvoyant avec poésie, humour et tendresse à la personne même d’Erasme ( corps et esprit) :
Le jardin des maladies d’Erasme et Le jardin philosophique.

 

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Le jardin des maladies d’ Erasme, conçu à l’aide de plusieurs lettres–diagnostiques de ses médecins, présente un portrait « botanique »  de l’écrivain, à travers 100 plantes utilisées pour le soigner soit de son hypocondrie soit de maux réels tels que peste, calculs au rein, dysenterie, maux de tête, etc…

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La potentille rampante -> la goutte – La pivoine officinale -> la diarrhée – Le houblon  -> excès de bière et de vin.

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Le citronnier -> anti vomitif – La marguerite ->  purgatif (ventre noué) -La verveine sauvage ->  céphalées — Le mors du diable ->  la peste.

Le Jardin Philosophique

Le Jardin philosophique est lui aussi un portrait, mais cette fois de l’intellectuel humaniste. Outre des massifs, non plus carrés, mais en forme de feuilles symbolisant l’essence d’arbre la plus fréquente dans chaque pays visité et contenant les plantes caractéristiques du même pays, l’espace a été investi par quatre artistes invités. Chacun a créé une oeuvre en lien avec les pensées ou les écrits d’Erasme.

« Les larmes du ciel »  .  Marie Jo Lafontaine

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Ubi amici, ibi opes (« Là où sont les amis, là est la richesse »)

« Les larmes du ciel » sont matérialisées par 7 bassins remplis d’une eau / miroir grâce à un fond plat recouvert de gravier sombre. Dans chacun,  sous la surface de l’eau, on peut lire une phrase latine ( extraite du livre d’Erasme « Adages ») . Les lettres fragiles, en métal, se mêlent aux reflets des arbres et du ciel incluant le visiteur dans ce dispositif poétique.

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Aut regem, aut fatuum nasci oportere (« Il faut naître ou roi ou bouffon »)

adage 32

Difficilia quæ pulchra (« Les belles choses sont difficiles »)

Les « Loci  » .  Catherine Beaugrand

Les Loci sont des espaces (sculptures) de taille modeste dispersés dans le jardin , chaque « locus » proposant un arrêt réflexif lié au dispositif particulier qui le compose et que l’artiste nomme « genius loci » (génie du lieu).


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« Cambra » . Perejaume

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« Cambra » est une ébauche de gloriette destinée à faire ressentir «physiquement» l’opposition  Ciel / Terre. A cet effet la« boîte », faite pour un corps debout, est exiguë  et haute, avec une entrée étroite. Entièrement composée de lentilles oculaires et de morceaux de verre à vitrail, elle déforme  totalement la vision du monde terrestre, mais dans le même temps s’ouvre sur le ciel.

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Ce travail renvoie au lieu de quarantaine décrit par Erasme dans « Le banquet religieux

« Volcan de vie ». Bob Verschueren

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Au centre du jardin, Bob Verschueren a installé son « volcan de vie » .
Une excavation douce, à deux niveaux circulaires tapissés de tuf, nous invite à la pénétrer pour une sorte de purification initiatique :  en son centre, une souche de hêtre remplie d’une eau vive qui  s’écoule lentement en colonisant peu à peu des mousses.

Musée de la Maison d’Erasme .  Rue du châpitre 31 Kapittelstraat. Bruxelles 1070

31 – Points de vue

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Dans «le Monde » du 3 novembre 2016, un article – illustré par l’image ci-dessus-, nous apprend que le Louvre-Lens « propose, bien involontairement,  une suite » ( ! ) à ma modeste exposition « Anthroposcènes » !

L’exposition intitulée « L’histoire commence en Mésopotamie », s’est donné pour mission de démontrer à nous , « grand public, qui ne savons même pas situer l’Irak...» ( !! ) tout ce que nous devons à la Mésopotamie.
Pour illustrer le propos, 5000 tablettes d’argile et 400 objets trouvés dans ce « Jardin d’Eden » entre Tigre et Euphrate, choisis pour aller « au plus simple et au plus juste »… toujours pour ce même « grand public » une nouvelle fois cité, et qui nous parlent d’écriture évidemment, mais aussi d’architecture, de mathématiques, de l’année de douze mois, de la roue… et de bien d’autres merveilles…( dont je doute fort que le « grand public » qui fréquente ce type d’exposition soit si ignorant )

Cet article pose problème dans la mesure où  cette exposition – qui se voudrait pourtant didactique – semble présenter une Mésopotamie sérieusement tronquée  en contre-exemple d’un Irak d’aujourd’hui en proie à la barbarie, aux horreurs et aux pillages de l’EI ( mentionné par deux fois lui aussi ).

Faire un peu moins « simple » mais un peu plus « juste », par respect du public ciblé qui  n’a pas à être « enchanté »,  aurait consisté à ne pas trier dans les pièces exposées ni dans les textes traduits.

Qu’aurait-on alors « appris » des restes archéologiques trouvés dans ce « Jardin d’Eden »:   … les conflits incessants, la soif effrénée de conquêtes, la barbarie, les massacres de masse, les machines de guerre, les armes,  les corps amputés, pelés, décapités, les villes anéanties, les incendies, les pillages, tout cela écrit, gravé, sculpté pour emplir des bibliothèques et orner des palais servant la vantardise de potentats sanguinaires tuant pour un Dieu, au nom d’un Dieu, avec l’aide d’un Dieu, celui dont ils avaient choisi d’être l’émanation sur Terre.

Manquent, nous dit-on, les pièces « intransportables » comme les bas-reliefs. Ne serait-ce pas plutôt les pièces dérangeantes en regard du propos choisi ?
Les dits bas-reliefs arrachés au  palais de Khorsabad pour lequel ils étaient faits ont bien pu en d’autres temps être transportés jusqu’au Louvre, de même que ceux de Ninive au British Muséeum, de même que ceux de Babylone au Pergamon de Berlin, de même que… etc… etc…
Et d’ailleurs … pour quoi l’ont-ils été ?
Même si les multiples raisons d’attenter à l’intégrité d’un patrimoine archéologique ne peuvent être mises sur le même plan, on sait bien qu’une architecture démantelée, un ensemble urbanistique dilapidé, privé de ses éléments les plus signifiants, ne transmettra plus d’informations dignes de mémoire.

Que ces éléments épars dans des musées vivent d’une autre vie grâce à leur force plastique est un autre sujet.

Pour ceux qui auraient vu l’exposition « Anthroposcènes« … et pour ceux qui auraient souhaité la voir, pour ceux aussi qui ne comprennent pas les raisons de ce 32° blog, les 3 nouvelles pièces non encore présentes dans mon site, dont « Voyage 66 », y sont  désormais.