Auteur : Danielle Chevalier

7 – « Ecorces »

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Lire une photographie qui a pour ambition de témoigner est devenu aujourd’hui une affaire délicate ; trucages, logiciels de traitement d’image, esthétisme forcené, recherche du sensationnel ont pris l’importance que l’on sait.

Aussi est-on enthousiasmé  en refermant « Ecorces »,  le  petit livre de Georges Didi-Huberman.  Enthousiasmé,  heureux .. et bouleversé, parce qu’il y est question d’une visite et de prise de photos au camp d ‘ Auschwitz-Birkenau et   parce qu’il est possible de fouiller de telles images  avec précision et rigueur, mais aussi pudeur et poésie . Ce texte est magnifique.

Vient de paraître. Aux Editions de Minuit

Date d’origine de cet article : 19 janvier 2012

 

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6 . Venise Biennale 2011

Coup de Coeur pour le travail de Marat Raiymkulov .

Âgé de 27 ans, originaire du Kirghizistan, M R expose au Palais Malipiero, ( près du Palais Grassi ), avec d’autres artistes d’Asie Centrale.
Très loin des créations monumentales tapageuses, des photographies racoleuses et des reportages journalistico-politiques sans distance qui font le gros des Biennales, Marat Raiymkulov occupe une petite pièce du palais.
Chez lui, tout est petit, intime, modeste…

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Dans une douce pénombre, une table et 3 chaises. Sur la table 3 fichiers destinés à être feuilletés. Sur chaque fiche blanche un dessin noir, très simple, réduit à un tracé tremblé ou net mais toujours au service  d’une saynète savoureuse: humain ou animal sont mis en relation avec un environnement plus ou moins hostile, tantôt issus du monde réel, tantôt glissant vers un fantastique léger et souriant.

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Sur un des murs quatre écrans: sous forme de diaporamas au format carte postale reviennent les dessins contenus dans les fichiers. La succession programmée des images crée une montée dramatique angoissante où chacun pourrait  retrouver des instants de sa propre vie.

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Sur un autre mur, un écran plus important projette de très courts films d’animation : un trait entre dans le cadre, et faussement maladroit et hésitant, tel un ver de terre facétieux, s’allonge, s’enroule et se contorsionne , se sectionne en tronçons qui se mettent à vivre à leur tour, afin de créer sous nos yeux des mini-événements où l’être humain est ici pris au piège de ses paroles, ou de celles des autres,  et se noie lentement dans la marée montante de lettres et de mots qui finissent par saturer l’écran .

Date d’origine de cet article :26 octobre 2011

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5 – Nacéra Desigaud expose à Carbonne

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On pense d’abord à Pierrette Bloch, à Marinette Cueco, à Marisa Merz…  pour les matériaux utilisés ( fils naturels, herbes, graminées, branches… ) et pour les techniques d’organisation ( tressages, tissages, ligatures… ). Le rapprochement s’arrête là.

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Pénétrer dans la magnifique salle pensée par Nacéra Desigaud c’est entrer dans un espace de méditation grave, retenu, qui renvoie bien moins au monde de la Nature qu’à notre présence d’humain au sein de cet ensemble. Et à notre place.
Tout y est immédiatement lisible et mystérieux à la fois. Il y a des nids, des cocons, des mues, des pièges, des chemins, des traces, … mais issus d’un monde mental. Les couleurs familières et attendues sont absentes remplacées par celles des pulsions les plus intimes et des réflexions essentielles : noir, blanc, rouge. Les ombres y côtoient les lueurs et l’extrême fragilité la violence brute du vivant .

« Chemins croisés, chemin continu » de Nacéra Desigaud
du 26 Juin au 2 Octobre 2011
Musée Abbal. 31390. Carbonne

Date d’origine de cet article : 1 juillet 2011

4 – Mimmo Paladino expose à Milan…

… pour ceux qui passeraient par là…

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Place du Duomo : « La montagne de sel »

1950. Enfant, on prend la mer avec Ulysse , on assiège Troie dans le cheval de bois, on vibre avec maman près du Teppaz quand Hélène s’abandonne à Pâris , ou quand Ménélas « part pour la Crête ». Enfant, on s’endort sous une Madone entourée d’or, on fleurit les tombes avec  grand-mère,  on s’envole dans les vapeurs d’encens jusqu’aux Saints de verre transpercés de rayons obliques, on peint des Princesses, on modèle des Anges, on cloue des Monstres de bois avec l’aide de grand-père. On part en chasse comme papa … un arc en noisetier à l’épaule. On est explorateur au jardin, archéologue dans la cave , astronome au grenier…

2011. Mimmo Paladino expose à Milan , et réveille tous ces mondes enfouis.

Octogone de la Galerie Victor Emmanuel II :   « Le chasseur  d’étoiles » ( à gauche)
1°étage du Palazzo Reale : « Les dormeurs ». (à droite)
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Exposition du 7 Avril au 10 Juillet 2011

Un bon lien vers l’artiste, court, sobrement informatif, accompagné de quelques illustrations pouvant être doublement agrandies :
http://www.galeriealicepauli.ch/paladino/frame.htm

Date d’origine de cet article : 1 mai 2011

 

3 – « Le Quattro Volte »

Je voudrais parler d’un violent coup de coeur pour un film vu récemment, un film magnifique, qui ne ressemble à rien de connu, qui pour certains sera sans doute d’un ennui abyssal, pour d’autres dont moi, un moment magique…
 » I’d like to speak of the passionate interest I felt for a film I’ve seen recently , a magnificent film , unlike anything else , abysmally tedious for some probably , for others like me , a moment of pure magic … »

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D’abord le décor : un espace naturel vaste, indéfini,  escarpé et sauvage mais sans excès ni beauté particulière, des rochers, des arbres, des troupeaux de chèvres, un village, des habitants qui préparent une fête, de la fumée,  le vent …

Un héros, ou quatre, mais c’est le même : un humain- berger, un animal-chevreau, un végétal-sapin, un minéral- le sapin devenu charbon.

Des bruits, les pas de l’homme dans l’herbe sèche , les pierres qui roulent à son passage, ses accès de toux, les cloches des chèvres et les cris du chevreau égaré, les coups de hache et l’écroulement du sapin abattu. Il y a surtout, lancinant, montant de la clairière des charbonniers, le choc sourd et régulier du plat des pelles sur les meules,  puis le tintement pur et cristallin du bois devenu carbone.
Les fils sont fragiles, tendus à se rompre, et vont bien sûr se rompre, le berger trop vieux, usé, malade, le chevreau trop jeune, trop peu armé pour survivre, l’arbre, trop beau, trop droit, magnifique, choisi pour cela, le minéral friable au moindre choc.

Et dans cette extrême lenteur d’un monde où tout se répète à l’infini, un chien affairé, sorte de passeur, tentera frénétiquement et en vain de nouer un temps les fils , d’alerter, d’arrêter le cours de la vie, justement parce qu’il y a une mort en jeu.  Et échouera …  le chien, l’auxiliaire de l’homme, celui qui sait rassembler et remettre en ordre la marche des bêtes, mais n’a pas de pouvoir sur celle des hommes. Encore moins sur celle de la vie et du monde.

Chaque élément traité sur le même plan que les autres semble se dissoudre dans l’autre; pourtant chacun est séparé, seul dans son espèce d’appartenance, incapable de relation avec les autres catégories.   Seuls les sacs de charbon livrés devant les portes nous ramènent au point de départ. Les cycles vont s’enchaîner de nouveau comme s’enchaînent les saisons, les jours avec  les nuits. Pas de paroles, pas d’intrigue, juste le vent et ces coups des charbonniers comme un métronome , scansion du temps qui passe .

« Le quattro volte » de Michelangelo Frammartino
2009. 1 h 28


 15 mars 2011