Catégorie : POLITIQUE

51. ENRIQUE RAMIREZ

« Frente al rio las cosas del mar… » Maison du Port La Redorte  Aude.

L’installation occupe le 1° étage de la Maison du Port.
Quai de La Redorte. Aude

Au sol, une vaste estrade carrée de 30 cm de hauteur présentant des pièces de monnaie identiques  rassemblées sur un fond sombre, suggérant une carte géographique avec langues de terres avançant dans la mer.
Aux murs
-> 4 petits carrés de toile bleue, chacun pendu par deux pinces à dessin. Dans le bas du premier, un petit motif, brodé grossièrement avec un fil de  coton jaune, qui  évolue et se multiplie de carré en carré
-> une petite vidéo murale en fond de pièce
-> une feuille encadrée avec intervention de traces blanches sur fond gris

… 4 éléments  très disparates,  à première vue sans liens,  échappant volontairement à tout effet esthétisant … donc un ensemble plutôt déconcertant.

Là réside la force première de ce travail qui incite à une analyse plus poussée. Les éléments proposés, mais surtout les procédés choisis, font que  peu à peu les formes vont se charger de sens, se répondre, s’enrichir mutuellement , chemin semé d’indices, à suivre, à sentir, et surtout à éprouver.


blog ram. Voiles 2

 

-> Le petit élément brodé est maladroit, basique, bateau de dessin d’enfant : troué, traversé,  empreinte violente. Puis, de carré en carré, le « bateau » se transforme et se multiplie,  pour finir à 12 modules organisés en cercle et évoquant le drapeau européen.

blog Ram. argent

-> Les pièces qui brillent nous renvoient bien sûr à la notion « d’argent » mais présentent alternativement l’une ou l’autre face.  De près nous retrouvons le drapeau de l’Europe mais accompagné du mot « sin tierra » et  sur l’autre face,  une voile de bateau tout à fait lisible , bouleversée par des flèches menant dans des directions contraires et deux mots cette fois « mar » et « profundo »… L’argent prend alors un sens plus précis…

viideo Ramirez blog

La vidéo,  de taille modeste met à hauteur d’ yeux et comme en plongée totale, une séquence tout à fait hypnotique d’un « morceau »   de mer très agitée et de remous qui se brisent inlassablement sur une forme évolutive, allant du rocher affleurant à une masse blanche et allongée,  happée par les fonds.

ramirez blog craie

On  tombe alors  sur le dernier élément   où le seul mot «  mar » est écrit et répété dans une graphie hachée,  une organisation serrée, une sorte de foule entraînée  vers le bas et une absence de couleurs , donc de vie…

Bateau dangereux, voile mal tendue, Europe incertaine, multitude trop grande pour être comptée, individus « sin tierra » n’existant que par le prix de leur traversée, vents furieux, mer agitée, récifs, attraction vers le « profundo »      …   On quitte la salle assez « remués ».

(  Certes on pourra lire la feuille de visite offerte à l’entrée, apprendre qu’il y a 4820 pièces de monnaie -les 4820 migrants qui ont péri en Méditerranée en 2016 -, découvrir qu’Enrique Ramirez est chilien , fils de pêcheur , voguant enfant avec son père à une époque où l’on retirait du fond du Pacifique nombre d’opposants au régime de Pinochet … mais cette oeuvre plastique à l’efficacité évidente,  peut tout à fait se passer de ce plus informatif .

Comme une fois encore était abordé le problème des migrants,  j’ai souhaité présenter ici ce travail de la modeste maison du Port à La Redorte en contre-exemple de celui que j’avais évoqué dans le blog 51, accueilli, lui,  dans le prestigieux  écrin de l’Arsenal de Venise.

Le Frac Occitanie et le Musée des Abattoirs , dans le cadre des 80 ans de la Retirada, proposent une réflexion sur le statut de l’artiste en exil  : « Je suis né étranger », et un parcours le long du Canal du Midi : « Horizons d’eaux »


La Redorte Juin 2019

23 – Roni Horn et les glaciers d’Islande .

Iceberg_500

Lagune glaciaire du Jokulsarlon. Icebergs du glacier Breidamerkurjökull ( photo DC 2014)

« Le temps qu’il fait » est une métaphore du monde, qu’il s’agisse de l’atmosphère ou de la vie d’un individu.
Le temps qu’il fait est une métaphore de l’énergie physique, métaphysique, politique, sociale et morale d’une personne ou d’un lieu ». Roni Horn

Glacier Skalafellsjökull ( photo DC  2014)


« Vatnasafn » Roni Horn

stykisholmur_500

Au Nord Ouest de l’Islande, sur un promontoire dominant le petit port de Stykkishólmur, une bibliothèque désaffectée, très lumineuse et largement ouverte sur la mer, accueille depuis 2007 l’oeuvre de la plasticienne américaine Roni Horn : « Vatnasafn/ La Bibliothèque de l’eau« 


Général Roni H_Der500

L’installation se compose de 24 colonnes de verre. Chacune est remplie d’une eau recueillie par carottage dans l’un des 24  plus importants glaciers d’Islande. Un rayon lumineux traverse verticalement chaque colonne de haut en bas jusqu’à la cupule arrondie qui la relie au sol et peu à peu récupère les particules d’éléments constitutifs de chaque glacier. Le revêtement du sol en gomme orangée est parsemé de mots en anglais et en islandais couramment utilisés en météorologie.

Roni horn B 500

La rotondité des colonnes, leur agencement les unes par rapport aux autres et les différentes sources lumineuses  reflètent  et réfractent formes et couleurs au plus léger déplacement, créant une atmosphère à la fois mystérieuse, mouvante et très paisible.
Le réchauffement de la planète entraîne, de façon particulièrement sensible en Islande, des changements irréversibles. Dans « Vatnasafn » quand un glacier disparait la lumière qui traversait la colonne correspondante s’éteint. Deux lumières sont aujourd’hui éteintes. Les deux glaciers présentés en début de page sont présents dans l’oeuvre de Roni Horn. Ils reculent nettement depuis ces dernières années.
Roni Horn sol_500
L’eau, les mots sur le sol, les bulletins météorologiques présentés dans l’annexe du musée reflètent la relation intime de Roni Horn avec la géographie singulière, la géologie, le climat et la culture de l’Islande … Cependant « Vatnasafn », de même que les autres créations de l’artiste, est bien moins un hommage à la beauté des paysages d’Islande qu’une réflexion poétique sur le travail du temps et les modifications constantes de notre monde. 

Renvoi vers mon site : www.danielle-chevalier.fr

2 – BIENNALE D’ISTANBUL 09

 

Je me bornerai à présenter ci-dessous 3 « coups de coeur », à raison d’un par lieu d’exposition.

A L’Entrepot n°3, une très belle création de  Rena Effendi (plasticienne vivant à Bakou).  D’abord une carte géographique montrant le tracé du pipeline Baku-Tbilissi- Ceyhan, suivie d’une double rangée de 28 photos magnifiques  témoignant des divers dégâts et dommages de cette réalisation sur les populations locales. Pas de textes, juste des cartels sobrement informatifs, des sujets évitant le sensationnel, à la fois poignants et poétiques et le choix du noir et blanc pour amener la distance nécessaire.

Blog1a

I will only present here three works I took a fancy to , one to each place of exhibition.

In Warehouse n°3 , a very beautiful creation by  Rena Effendi ( an artist living in Bakou ) . First a map showing the lay-out of the Bakou-Tbilissi-Ceyhan pipe-line , then a double row of 28 magnificent photographs giving evidence of the damages and havoc this equipment will have on local people . No texts , just soberly informative nitices , undramatic subjects both poignant and poetical ; the choice of black and white inducing the necessary distance .

blog1b

 

A l’Entrepôt des Tabacs (Tutun Deposu),  l’iranienne  Jinoos Taghizadeh occupe une salle avec des séries de montages-collages (intitulés « Rocks-papers- scissors » ) et une vidéo. Les montages sont des mixages et superpositions d’images, de pages de journaux, de dessins…  où histoire de son pays ( Révolution de 79 ) et histoire de l’art s’interpénètrent et se brouillent grâce au procédé holographique. Des photographies d’individus réels, morts ou en souffrance, se superposent à d’autres peints par David, Caravage, Bosch… etc.. , disparaissent, reviennent selon l’emplacement du spectateur, partie prenante de ce subtil jeu interactif. La vidéo est efficace dans sa subversive simplicité : un berceau blanc sur fond de lumière verte et rouge ( rappel du drapeau iranien) et une chanson aux paroles lénifiantes.

In the Tobacco wharehouse (Tutum Deposu ) Iranian Jinoos Taghizadeh  fills a room with montages-collages ( named  » Rocks-Papers-Scissors ) and a video . The montages are mixings and superpositions of pictures , newspaper pages , drawings … in which her country’s history ( the 79 revolution ) and Art History intertwine and mix up thanks to a holographic process . Photographs of real people , either dead or in pain, are superposed on others, painted by David, Carravaggio, Bosch …etc…, disappear, come back, depending on the position of the onlooker, thus playing his part in this subtle interactive game. This video is effective in its subversive simplicity : a white cradle against a background of green ang red light ( recalling the Iranian flag ) and a song with soothing words .

Blog1c

 

A l’Ecole Grecque de Ferikoy, Vlatka Horvat présente des sortes d’origamis troublants où chaque fois un corps humain se détache sur fond basique sol /mur dans des poses banales et journalières mais les corps , partiellement coupés par détourage,  sont repliés eux-mêmes ou recouverts, ce qui les rend fragiles, bancals, voire infirmes, l’artiste jouant des vides et des effacements dans le dispositif, de même que des formats « photos de famille » et de l’effet bricolage avec élastiques et morceaux de cartons d’emballage. Bizarrement on pense à Giacometti et à ses silhouettes rongées, désintégrées par l’espace qui les entoure.

In the Ferikoy Greek school , Vlatka Horvat presents kinds of disturbing origamis in which, each time, a human body stands against a basic background – either ground or wall – in banal every day postures, but the bodies, partially cut by detourage, coil up or are covered up and this makes them look fragile, wobbly , even disabled, the artist toying with the gaps and obliterations in the contrivance, as well as with the  » family picture  » format and  » odd job » effect with rubber bands and packing cardboard . Oddly one thinks of Giacometti and his pitted , disintegrated silhouettes in the surrounding space .

Blog1d

Date d’origine de cet article : 18 septembre 2OO9